La finca de las dos madres, une jungle nourricière
Un cadre de jungle luxuriant, des oiseaux multicolores, des fruits et légumes inconnus aux goûts surprenants et délicieux offerts par un gringo et une tica. Voici comment résumer en quelques mots mes premiers pas en s'aventurant dans la finca de las dos madres.
Vue sur la jungle depuis la bananeraie
Perchée à 700 mètres d'altitude, à 5 minutes de l'autoroute interamerican entre San José et San Ramon, se trouve une ferme peu conventionnelle dirigée par Paul Zinc, américain, et sa compagne Diana, une tica (costaricaine). La finca de las madres est une petite exploitation de deux hectares aux activités très diversifiées ; arboriculture, maraîchage, pépinière et véritable jardin botanique d'arbres fruitiers.
L'histoire encore toute jeune de cette ferme a commencé il y a tout juste 5 ans, avec l'arrivée de Paul sur les terres héritées de sa mère. Un gros travail de débroussaillage du terrain a été effectué sur une jungle naissante, autrefois occupée par des caféiers dont il reste aujourd'hui quelques vestiges. Grâce à l'aide d'amis et bénévoles, le terrain a rapidement pu être enrichi de nombreux jeunes arbres et aménagé pour une nouvelle ferme ; nouvelle vie pour Paul, bien loin de New York, sa ville natale.
Un nouveau mode de vie très 'pura vida' en somme. De petites cabanes en bambou avec peu ou pas de murs, des besoins énergétiques très faibles presque comblés par les quelques panneaux solaires, pas de chauffage ni d'eau chaude (sous le soleil des tropiques c'est un luxe tout à fait dispensable). L'eau captée d'une source pour l'usage ménager arrive par gravité grâce à un relief très montagneux, tandis que l'eau pour irriguer la ferme provient de la rivière un peu en amont.
Diana préparant les fameux platanos (bananes plantains) de la finca !
Aujourd'hui Paul est épaulé par Diana et cette finca encore toute jeune a vu un essor spectaculaire de ses plantations, cela bien sûr sans engrais chimiques ni pesticides. En effet Paul est résolu à cultiver ses terres sous un mode de culture peu courant et innovant ; l'agroforesterie. Il s'agit d'un subtile mélange entre arbres, arbustes et plantes herbacées afin de recréer un écosystème le plus complexe et autonome possible, tel qu'on peut en rencontrer a proximité de la ferme, dans la jungle. Une forêt comestible, voilà l'objectif de Paul.
Pour y parvenir, le principal modèle adopté est basé sur une implantation des arbres en triangle ; trois arbres de grand développement, un bananier au milieu, de croissance plus rapide apportant une ombre bénéfique les premières années et, entre les trois arbres et le bananier, des espèces de plus faible développement, arbustes, lianes, plantes herbacées et plantes capables de fixer l'azote de l'air (Fabaceae) et de le restituer dans le sol de manière bénéfique pour les plantes voisines, tel un engrais naturel. Le résultat : la densité des végétaux constitue un microclimat abrité et humide,
Les plantes aux besoins différents ne se concurrencent pas outrès peu, l'entretien est limité à un coup de sécateur de temps en temps afin de veiller à ce que tout le monde ait suffisamment de lumière. C'est ainsi qu'on obtient une multitude de productions différentes, sur une surface minime. Ce type d'implantation, protégeant la biodiversité et le sol, est bien plus économique et productif qu'une agriculture dite intensive. Certes, au lieu de récolter trois régimes de banane, on n'en récoltera qu'un seul, mais à cela s'ajoutent d'autres fruits, des légumes, des céréales... (voir vidéo). D'autres stratagèmes sont mis en place afin d'optimiser le milieu. Le paillage du sol est constitué ici d'une couche de composte et de pailles séchées sur le sol, ainsi que d'une couche de feuilles de bambou sur la première couche. Le mélange composte/paille permet de limiter l'évaporation de l'eau du sol, limite l’érosion, et apporte de la matière organique bénéfique pour le sol et les plantes. La couche supérieure de bambous, quant à elle, limite considérablement le développement des mauvaises herbes. En effet le bambou est une plante allélopathique ; ses feuilles libèrent des molécules dans le sol qui inhibent la germination des graines, une sorte de désherbage chimique naturel ! Ainsi couvert, le sol reste humide plus longtemps, aéré, humifère et sans mauvaises herbes, autant de travail d'arrosage, fertilisation ou désherbage en moins. Paul utilise également purins et ferments afin de booster la vie microbienne du sol (qui transforme la matière organique en humus et sels minéraux ou engrais) et stimuler les défenses naturelles des plantes. Concrètement, la préparation pulvérisée sur la plante agit comme un leurre sur le végétal qui se sent agressé et développe des protections naturelles, la protégeant des bio-agresseurs (insectes, champignons, bactéries...) avant qu'ils ne soient présents et difficiles à gérer.
Petite présentation d'une forêt comestible par Paul Zinc
La grande majorité des plantations est constituée d'arbres fruitiers d'une diversité remarquable comprenant des espèces exotiques du monde entier. L'exploitation compte en effet plus de 200 espèces d'arbres et de plantes comestibles en tout genre ; 8 variétés de bananiers, 8 de manguiers, 13 de curcumas, agrumes, cacaoyers, fruits de la passion... Avec également quelques plantes aromatiques et médicinales. Ici pas besoin de docteur pour les petits maux du quotidien, le mode de vie et l'alimentation suffisent à prévenir ou guérir les tracas de tous les jours. On retrouve très peu d'espèces annuelles ici, qui demanderaient trop de travail ; les cultures doivent produire durant plusieurs années en quasi-autonomie. Ce véritable jardin conservatoire permet d'évaluer l’intérêt sur place des espèces plantées, issues du monde entier. Par la suite elles pourront servir de matériel pour une autre activité de la finca, la pépinière.
bananier "Main De Boudha",
aux bananes collées comme les doigts d'une main
Celle-ci occupe un petit espace de la ferme, à peine 200m², mais c'est bien elle qui demande le plus de temps ; semis, bouturages, rempotages, arrosages... tout est effectué sur place. La diversité est encore une fois étonnante avec plus de 150 variétés cultivées, une partie issue des plantes de la finca (graines, boutures) et l'autre issue de prélèvements ou achats de Paul de nouvelles espèces en vu d'une future plantation. Ici, pas ou très peu de pots pour cultiver les plantes, ce sont majoritairement des bolsa qu'on utilise, sorte de sacs en plastique de tailles diverses et de forme allongées. Le substrat est également différent, pas de tourbe ou terreau, les plantes sont cultivées dans un mélange de terre, de fibres de coco, de fumier et d'écorces de riz torréfiées.
Les plantes de la pépinière et les productions issues de la ferme sont vendues chaque week-end à la feria verde (marché biologique) de San José le samedi et au marché de Alajuela le dimanche. Il s'agit pour l'instant de l'unique source de revenue sur la ferme. Le chiffre d'affaire reste faible mais suffisant étant donnée les faible coût de productions lié au mode de production particulièrement économique.
Encore toute jeune, la ferme ne manque pas de projets ; déshydrateur solaire, agrandissement de la ferme, vente sur de nouveaux marchés... Beaucoup de travail en perspective, de l'agrofitness comme le dit Paul ! Mais le principal projet de Paul et Diana reste celui consacré aux frutapan ou arbres à pain (Artocarpus altilis). Le projet CISAF (centro integral de systemo agroforestal y frutapan) est né en 2015 et se base sur la valorisation de l'arbre à pain, une espèce prometteuse pour l'avenir originaire des îles d’Océanie. En effet, cet arbre est une essence vivrière particulièrement intéressante car très productif et aux fruits particulièrement nutritifs (voir vidéo). Le projet de Paul et Diana est de proposer aux exploitations de la côte Caraïbe (une vingtaine sélectionnées) d’intégrer à leurs cultures des arbres à pain afin de créer un système d'agroforesterie, tel qu'on peut en voir dans la finca de los dos madres. Pour cela, un diagnostic complet des exploitations visé est effectué afin d'évaluer les besoins et la manière de créer un système agroforestier. Enfin les arbres à pain ainsi que d'autres espèces compagnes bénéfiques (plantes fixatrices d'azote entre autres) issues de la pépinière, sont plantées dans les exploitations, en vue d'un mode de culture différent et plus durable. Les fermes concernées y gagnent un système quasi-autonome se prêtant parfaitement à un mode de culture biologique ainsi qu'une valorisation des fruits de l'arbre à pain.
Les bienfaits de l'arbre à pain, expliqué par Diana Zinc
La finca de los dos madres est une ferme en dehors des conventions habituelles, pleine de bonnes initiatives, qui mérite largement qu'on s'y attarde. Cela afin d'y d'observer un modèle d'agriculture innovant et durable, de découvrir des espèces fruitières méconnues aux saveurs surprenantes et délicieuses, ou simplement pour apprécier un mode de vie en communion avec la nature en compagnie de deux charmantes personnes pleines d'énergie, de gentillesse et de bonnes ambitions.
Paul et Diana Zinc, au milieu de leur forêt comestible
Quelques petites anecdotes pour terminer :
la finca de los dos madres a été nommée ainsi en hommage aux deux mères de Paul.
On retrouve au sein de l'exploitation une grande biodiversité ; toucans, papillons géants, iguanes, marsupiaux, orchidées ... Mais également des tarentules et serpents venimeux !
Faire flamber un morceau de nid de termites dégage une fumée répulsive contre les moustiques.
Durant la saison sèche, de décembre à mars, de nombreux arbres voient leurs feuilles jaunir et tomber, comme en automne dans nos régions ! Les feuilles repousseront dès les premières pluies.
La ferme possède trois ruches abritant des abeilles tropicales très spéciales, les Meliponas. Elles sont plus petites, ne piquent pas, et produisent de petites quantités d'un miel rare et délicieux aux nombreuses vertus médicinales.
Les oranges sont vertes ! Ainsi que les citrons et autres agrumes de la ferme. En effet afin que leurs peau se colore, les agrumes nécessitent une variation de température importante entre le jour et la nuit. Sous climat tropical, les températures sont stables et les fruits restent toujours verts. Cela n'influe en rien sur la maturité du fruit dont la pulpe et le jus seront bien colorés et parfumés.
On trouve des cigales ici aussi ! Elles ressemblent beaucoup aux nôtres mais produisent un bruit très différent.
une ruche d'abeilles "melipona"
Finca De Las Dos Madres, Rosario De Naranjo, Costa Rica
tel : 83099816
Mail : zink.mp@gmail.com
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