La finca Biamonte, un cirque, une école, des vaches et une ferme... biodynamiques !
Avant d'entrer à la Finca Biamonte, imaginez-vous une ville en périphérie de la capitale du Costa Rica, San José, avec ses rues quadrillées. Essayez de visualiser des maisons barricadées avec des grilles, gardiens et barbelés. Et maintenant, passez le grand portail vert qui s'ouvre devant vous, et pénétrez dans un îlot verdoyant où chantent les grillons... Et peu à peu vient à vos narines l'odeur des vaches...
Une ferme en pleine ville ? Eh oui, c'est le fruit de la résistance que mène Alejandro Biamonte depuis une vingtaine d'années, contre le développement infini de l'urbanisation. La ferme, telle qu'elle est aujourd'hui, est la seule qui reste de l'ancienne zone agricole de Coronado. Alejandro, dès l'âge de 20 ans, a récupéré la ferme de ses parents. Il a d’abord commencé avec un élevage de porcs, mais la proximité avec les habitations voisines l'a forcé à arrêter. C'est donc ensuite avec des vaches et des chèvres qu'il a continué pour exploiter le lait. Mais les consommateurs n'étant pas habitués au lait de chèvre il n'a conservé que les vaches. Tout cela était d'abord en bio, et depuis quatre ans, la ferme est en biodynamie.
Et donc là, on en entend certains demander : mais c'est quoi, la biodynamie ?
C'est Rudolf Steiner, un autrichien, qui en a posé les bases. Pour vous expliquer, nous vous proposons de lire ce qu'écrit Jacques Caplat, car ça nous semble assez clair : la biodynamie « constitue aujourd'hui un courant spécifique de l'agriculture biologique sans en être extérieur. Ses partisans respectent les règles officielles de la bio, mais y ajoutent des exigences et des préoccupations supplémentaires. L'agriculture biodynamique considère un domaine agricole comme un organisme vivant qui se transforme en permanence. (…) Elle se préoccupe de replacer l'aliment dans une continuité globale : un aliment ne pourra être sain que s'il est produit dans un milieu sain et équilibré. ».
C'est pourquoi on retrouve une grande diversité d'activités dans l'exploitation d'Alejandro : un élevage de vaches (laitières et à viande, dont une race française, la charolaise), un poulailler d'une centaine de poules, des brebis, un cheval, trois chèvres, un cochon, un taureau, deux bœufs.
Du côté cultures, du maïs, divers fourrages (pour nourrir les animaux) ainsi que des frijoles (haricots de diverses variétés), une bananeraie, des salades et autres condiments. Tout cela afin de tendre vers l'autosuffisance du lieu.
Les vaches sont un élément central dans la biodynamie, à condition qu'elles aient des cornes ! Les cornes captent l’énergie du cosmos qui est par la suite retransmise à la terre par la bouse (fréquemment appelé mierda de vaca ici). Pour Alejandro les bouses de vaches sont aussi importantes que leur lait.
Elles sont indispensables au renouvellement des cultures et permettent de faire fonctionner le bio-digesteur : sorte de bonbonne géante récupérant le gaz (méthane) afin d'être utilisé comme énergie
Les vaches sont bichonnées ici, puisqu'elles sont en partie nourries par les cultures de la ferme (bananiers, mûriers, herbes diverses,...). Contrairement aux pratiques de reproduction largement répandues, les veaux ne sont pas issus d'une insémination artificielle mais bien de l'union d'une vache et d'un taureau.
« Par ailleurs la biodynamie s'appuie sur la prise en compte de cycles cosmiques : (…) calendrier lunaire, situation des planètes dans le ciel. » .
Eh oui, on en a entendu parler du cosmos ! Nous avons par exemple semé les frijoles en lune montante (avant la pleine lune).
« Les biodynamistes ont recours à des techniques très spécifiques : les préparations biodynamiques. Il s'agit de produits utilisés pour fertiliser, protéger, ou soigner les plantes, mais qui ont la particularité d'être obtenus par une dilution homéopathique et une dynamisation. Cette dernière consiste pour l'essentiel à remuer la préparation en lui donnant un nombre important de rotations. »
Avec ça, vous comprendrez mieux pourquoi nous nous sommes retrouvés à 4h du matin une nuit de pleine lune, pour dynamiser de l'eau avec du quartz ! L'idée est de créer un vortex en tournant la préparation dans un sens et dans l'autre. Ensuite, nous l'avons répandu dans toute la ferme jusqu'au lever du jour. Alejandro tient beaucoup à cette pratique qui va dynamiser le sol et attirer l'énergie de la lune.
On vous offre aussi une recette inédite de l'abono, une préparation super fertilisante, ressemblant à un compost pour vous donner une idée.
-Commencer par faire un structure rectangulaire avec des branches.
-Puis superposer une couche de feuilles mortes, puis de terre et enfin de mierda de vaca, et recommencer cela 3 fois ou plus.
C'est un peu comme un plat de lasagnes géant ! Un plat qui demande au moins 8 mois avant de pouvoir être utilisé.
Les bénéfices pour le sol sont multiples : cela apporte de la matière organique (donc plus tard de l'engrais), booste la vie microbienne du sol qui va accélérer la dégradation de la matière organique. En gros, cela transforme les débris végétaux en humus et engrais pour les cultures. « encadré » L'humus est la forme la plus dégradée de la matière organique (matière issue du vivant), au delà on parle de matière minérale (engrais pour les plantes).
L'humus est très important pour le sol, il joue un rôle primordial dans la rétention de l'eau et des sels minéraux (engrais) ainsi que dans l'aération du sol. De plus il se minéralise (transforme en sels minéraux) petit à petit en nourrissant les cultures sur du long terme. Bon pour le sol et pour les cultures, à utiliser sans modération !
Ici, pas de tracteur, ce sont deux bœufs qui font le travail ! Ils peuvent tracter jusqu'à 300 kg chacun ! Cela nous a bien aidé pour acheminer les sacs de terre pour l'abono...
La biodynamie ne s'arrête pas seulement à l'agriculture. L'idée, c'est aussi de créer un lieu dynamique et harmonieux pour les gens qui y vivent. C'est pourquoi, autour de la ferme d'Alejandro, a été créé un jardin d'enfants avec une pédagogie alternative dite Waldorf (plus connue sous le nom de Steiner chez nous).
Il y a aussi un cirque social, des ateliers et colloques autour de différents thèmes comme l'agroécologie,...
De plus, Alejandro loue les anciennes étables retapées en habitations, où vivent principalement les circassiens et les gens qui travaillent à la ferme, mais aussi des personnes extérieures. Cela nous a permis de faire de belles rencontres, et de s'initier à des activités auxquelles on ne s'attendait pas en venant dans une ferme : cirque, yoga, football,... Aussi, les habitants de ce lieu tendent à le rendre écologiquement responsable avec le tri des déchets, chose encore peu commune au Costa Rica ! Alejandro a pour projet de faire davantage profiter à tout ce petit monde des produits de la ferme.
En effet, nous n'avons pas encore abordé la question de ce qui fait vivre la ferme. C'est en grande partie la production et la vente de lait et de fromage. Il y a une fromagerie, qui n'est pas gérée par Alejandro, et qui reçoit en plus le lait de chèvre biologique de la ferme voisine. Le fromage est vendu sur les marchés, donc en circuit-court. Le lait est quant à lui vendu à la plus grosse coopérative du pays, Dos Piños, comme le lait de nombreuses autres exploitations.
C'est donc le côté négatif que souligne Alejandro, car son lait n'est pas valorisé comme il le devrait, c'est-à-dire comme un lait biologique, et biodynamique ! La ferme étant entourée d'habitations, la surface est limitée (environ 5 hectares en tout) et en particulier celle pour les pâturages. Malgré cela, Alejandro réussit en partie à alimenter une quarantaine de vaches produisant environ 800 litres de lait par jour ! C'est finalement une forme d'agriculture intensive écologique !
Trois personnes (ou plus quand il y a des travaux d'entretien) sont employées, avec qui nous avons bien sympathisé : Don Teo, Perfecto (aussi appelé Peto) et un autre Don quelque chose (dont on a oublié le nom parce qu'on ne le voyait pas beaucoup!). Don Teo, très dynamique malgré son âge (plus de 72 ans!) s'occupe des cultures et de la nourriture des vaches, et Peto de la traite (deux fois par jour, très tôt, à 3h30 et 13h30).
Nous avons tous les trois travaillé dur dans la ferme Biamonte, comme par exemple : débiter un arbre à la machette, déplacer la merde de vache, ou porter plusieurs centaines de kilos de sacs,...
Malgré tout ce fut pour nous très enrichissant et très fort, notamment au niveau des rencontres. C'est aussi et surtout la rencontre avec un lieu où des gens construisent ensemble une vie collective, et partagent des moments de convivialité. D'ailleurs, plusieurs laissent leur porte ouverte pour qui veut venir discuter, manger, boire, faire du cirque,...
Ce qui nous plaît aussi, c'est que chacun garde son indépendance, son travail. Tous ces gens, ayant choisi un mode de vie différent du modèle standard, nous ont semblé heureux ! Des personnes ne se définissant pas par leur activité professionnelle, en constante recherche artistique et spirituelle, très généreux et simples, bienveillants, ouverts, ouh la liste est encore longue !
En plus des nombreuses techniques agricoles rencontrées, nous avons vu tant de choses différentes réunies en un seul lieu, fonctionnant en véritable symbiose. Cette ferme, au delà de la nourriture qu'elle produit, est aussi génératrice d'un bien-être général de ses habitants, tout comme ses animaux.
C'est donc ça la biodynamie !
Encore une fois nous avons des petites histoires drôles à raconter !
Nous avons été invités chez Don Teo pour manger deux plats typiques : arepas de maïs (galettes) et casado (poulet, riz, haricots et légumes). On a bien rigolé tous les trois quand on a vu sa femme arriver avec une énorme part de fromage, une grosse galette, et surtout un bol XXL de café, pour le goûter !
A la maison, l'aliment de base, c'était arroz et frijoles (riz et haricots rouges), servis trois fois par jour, TOUS LES JOURS ! Oui oui ! Même au petit déj, avec un œuf et du fromage frit. Notre bide a crié Help! aux légumes ! (juste pour ça, on était contents de partir...). On ne comprend toujours pas comment fonctionne leur système digestif...
On a été surpris de voir qu'il y avait une employée de maison, Juanita, dont le travail consiste à faire la cuisine, s'occuper des enfants, de la maison... Ce n'est pas une chose à laquelle nous sommes habitués, et en vrai, peut-être qu'on préfère cuisiner (des bons légumes hihi)
Avis aux Bretons et ceux qui s'y réclament, Maxime et Marine ont révélé le secret de notre fameuse crêpe à une Nicaraguayenne aux dents en or (ou autre métal on ne sait pas trop)...
Rasta fait littéralement voler son gamin !
Ça y est, Marine et Cléa se sont mis au cirque, prochaine étape au feu rouge pour payer le resto !
Parfois, quand le portail était fermé, nous étions obligés de l'escalader en essayant d'éviter les barbelés...
Parfois, nous avions la chance de prendre une douche chaude :)
La première chose que nous faisions le matin, c'était d'être dans la merde !
Nous avions une meute de chiens qui nous suivait à chaque déplacement.
Pour continuer sur les toutous, nous avons plus ou moins éduqué le plus jeune chien, Chiki (c'est pas son vrai nom mais c'est comme ça qu'on l'appelait, ou Junky, enfin tous les noms en -i). Chiki est passé de petit démon à (presque) gentil toutou.
Camerawomen à leurs heures perdues, Cléa et Marine se sont infiltré dans un événement VIP en se faisant passer pour des journalistes françaises.
On ne sait pas ce qui est passé par la tête des chiens de la ferme mais ils ont mangé nos slips... Notre stock a bien diminué (et il n'était pas très élevé!)
On a expérimenté un cours de yoga avec des athlètes,... Résultat, une vertèbre en vrac pour Cléa...
On a trouvé des fringues dans les poubelles !
Maxime a pris goût à travailler avec une machette... cuidado !
Un des résidents de la finca, Steven, vendait son pain maison, après deux mois de pain de m..... on ne vous raconte pas l'extase que de manger du bon pain ! (vendu 6€ pièce quand même!).
Maxime a fait l'apprenti coiffeur de moutons !